ESTHETIQUE DU SCHEMA GRAPHIQUE
ÉBAUCHES DE RÉPONSES
QU'EST-CE QU'UN SCHÉMA GRAPHIQUE ?
En attendant une définition universelle et exhaustive du schéma qui reste à faire, chacun d'entre nous a une définition personnelle plus ou moins pertinente suivant le champ d'activité concerné. J'utiliserai donc celle qui me paraît être la plus adéquate. Elle est le résultat de mes travaux au sein du groupe sur la Typologie des schémas et de mes recherches sur les différents modes de représentation en conception. Cette définition s'appliquerait aux représentations graphiques du domaine de la création architecturale et urbaine : Un schéma graphique représentant un objet, phénomène ou système, est le résultant d'une opération cognitive complexe comprenant :
- une réduction téléologique de l'information l'objet ;
- une représentation de la structure et/ou du fonctionnement de l'objet résultant de cette réduction qui utilise toutes les ressources disponibles d'expressions graphiques, accompagnées de légendes et de textes l'explicitant.
Temporairement, les schémas peuvent être classés, suivant la typologie proposée par F.Richaudeau, en: arbres, réseaux ou autres. La dernière catégorie doit inclure à côté des diagrammes et cartes tous les schémas techniques produits par projection orthogonale: plan, coupe, élévation, perspective et éclaté
QU'EST CE QUE L'ESTHÉTIQUE EN CETTE FIN DU XXème SIECLE ?
Une vue schématique synthétique de l'évolution du concept de l'esthétique, donne une image d'ensemble relativement complexe du cheminement des principales notions à travers les siècles jusqu'à nos jours et de leurs relations à l'expression graphique, (Tableau I.) En ce qui concerne notre siècle, partant arbitrairement de l'opposition introduite par Nietzsche entre l'art apollonien et dionysiaque, de sa déclaration sur la primauté de l'acte créateur, et du postulat que l'art a plus de valeur que la réalité, on est arrivé à une position qui ouvre la porte à toutes les libertés artistiques. L'engagement militant des avant-gardes à travers les esthétiques des mouvements définit ce qui est ou n'est pas art. L'art est doté d'une fonction sociale dans la théorie marxiste, fonction développée au Bauhaus par Gropius, Kandinsky, Klee, . . . ainsi que, par le mouvement des constructivistes soviétiques des années 30. "L'industrie culturelle" définie par Adorno, émerge avec l'art technologique soutenu activement par l'état culturel; elle se voit dotée de la notion de "raison communicationnelle" par Jurgen Habermas et de "l'esthétique de la réception," définie par Hans Robert Jauss. L'esthétique analytique de Nelson Goodman ne définit plus l'art en fonction de ce qu'il est dans son essence supposée ou à venir, mais selon ce qu'il énonce, dans son existence. Goodman prône la recherche des "symptômes de l'esthétique", qui permettent de porter un jugement esthétique sur une oeuvre. La différenciation des notions d'esthétique et d'art est ainsi soulignée, car "il y a art lorsque une chose fonctionne symboliquement comme oeuvre d'art", les émotions fonctionnant de façon cognitive. En quoi l'oeuvre d'art, système symbolique est affaire de connaissance et non pas de représentation. L'entrée en scène du post-modernisme, défini par Charles Jenks 1978, propose de substituer à la fonction, la "fonction-fiction symbolique".
Enfin l'apparition des "post-avant-gardes" oppose les notions de logique culturelle et de logique esthétique.
EPOQUE
ANTIQUITE |
NOTIONS
ESTHETIQUES |
STYLE ARCHITECTURAL |
EXPRESSION | ILLUSTRATIONS |
PYTHAGORE
Cosmologie du nombre |
Harmonie, Rythme, proportions | Dorique | Ordre architectural |
Progression géométrique de raison 2 |
PLATON
Idée => beauté |
Harmonie Mesure de Finesse, Harmonie contre la mimesis Progrès Synonyme de décadence |
Dorique Ionique Corinthien |
Ordres architecturaux |
Progression géométrique de raison 2 |
ARISTOTE
Mimesis, |
Ordre, rythme, Harmonie de Mesure de symétrie |
Dorique Ionique Corinthien |
Ordres architecturaux | |
PLOTIN Dédouble PLATON Le beau est tout Ce qui est Informé par l’idée |
Dorique Ionique Corinthien |
Ordres architecturaux | ||
MOYEN AGE
Transcendence |
Proportion, lumière |
Roman Gothique Gothique flamboyant |
Arcs en berceaux Arcs en voûtes d’arrêtes Arcs à ogives Arcs-boutants Ordre gothique |
|
ALBERT LE GRAND
La proportion est la matière, la lumière est la détermination formelle de la substance |
Rapport de l’élément à l’ensemble Harmonie, jeux d’ombres et de lumière, couleurs |
|||
RENAISSANCE Mathématisation de l’art, perspective |
Renaissance Baroque |
Ordres Architecturaux mis en perspective, clair obscure |
Largeur et centre de rayonnement de la voûte d’après Philibert de l’ORME |
|
ALBERTI
Le beau est réductible à une connaissance, à un savoir rationnel |
Triple dimension de la beauté : forme plastique et composition proportion,arrange-mentorganique des masses, ordonnance rigoureuse | Ordres Architecturaux |
Ordre dorique d’après ALBERTI |
|
DESCARTES
Beaux Arts réduits à l’unité dans la multiplicité |
Beauté en rapport avec la psychologie et non plus avec l’ontologie | Classique Baroque |
Ordres Architecturaux | |
HUME
Primat de l’imagination sur la raison, l’expérience individuelle compte plus que le goût |
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LEIBNITZ
Le beau a une place centrale dans le système du monde
|
Harmonie de l’univers | Neo-classique Neo-baroque |
Ordres Architecturaux | |
BAUMGARTNER
Esthétique |
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KANT
Le jugement esthétique est subjectif en opposition au jugement logique invariant Beau finalité sans fin Nature > Art |
Liaison du beau et du plaisir
Immanence du beau par rapport à la forme Le beau est la finalité sans fin |
Trames harmoniques d’après M. TEXIER |
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HEGEL
L’absolu dans sa forme intuitive Art > Nature |
Devenir historique
Subjectivité de l’idée dépasse la forme |
|||
NIETZSCHE
Primauté de l’acte créateur |
Tableau I : Evolution des notions d’esthétique et des expressions graphique
-sous l'impulsion des sciences de l'information, humaines et des mathématiques vers les années 50, les graphiques en arbres et réseaux font leur apparition ;
- les liaisons, flèches, deviennent des occasions pour afficher un style particulier en ce qui concerne les épaisseurs de trait et les niveaux du grain ;
- les polices de caractères et de symboles d'une diversité toujours
croissante sont standardisées; elles sont désormais choisies à partir de cata-
logues de plus en plus volumineux .
- malgré ses potentialités de diversification accrues, l'informatique tend à uniformiser les mises en page de présentation. Ses capacités de modélisation et de simulation ne sont que faiblement exploitées. Le traitement de l'image et l'utilisation des déformations diverses sont à l'origine de rendus originaux.
Figure I: Foyer industriel, 1890.
Toutes ces constatations faites, il serait intéressant de pousser plus loin l'étude de l'influence des divers champs et techniques sur l'expression du schéma graphique en analysant l'impact :
-. des techniques de reproduction: couleur, trame, polices de caractères ;
- des sciences de la communication: organigramme, arbre, réseau, flèches ;
- de l'art: technique du collage, saturation des couleurs, plans, flous,
-. des technologies intellectuelles: graphiques standardisés, mise en
page uniformisée,
- des contraintes invariantes : symétrie, rapport élément <=>ensemble, rapport des vides <=> pleins,
- de la prise en compte des variantes visuelles : tailles, valeurs, grain, couleur, orientation et mouvement.
Figure II : Organigramme de la vulgarisation scientifique
Figure III : Chaîne alimentaire
En ce qui concerne le dernier point, une première étude critique, réalisée par J. Allouche pour sa thèse, des représentations publiées dans la presse montre une ignorance complète des recommandations fondamentales faites il y a trente ans déjà par J. Bertin au sujet des variables visuelles et de leur application à la lecture des représentations graphiques.
BIBLOGRAPHIE
HUISMAN Denis. L'esthétique. Que sais-je, PUF, 1992.
jlMENEZ Marc. Qu'est ce que l'esthétique? Folio, Essais, 1997.
KANT Emmanuel. Critique de la faculté de juger
HEGEL G.W.F. Esthétique.